mercredi 14 décembre 2011

Crisis, which crisis ?


Une crise chasse l’autre. Ou plutôt : une crise cache l’autre. Disons-le rondement : il n’y a pas de crise des dettes souveraines, pas de crise financière, pas de crise économique. Il y a – peut-être, et encore c’est peu clair – une crise de l’investissement, une crise de la rentabilité. Les investisseurs, qui réclament du 10 et du 15 % par an, ne savent plus dans quel secteur investir sûrement. Les milliards dorment dans les coffres, les banques ne se prêtent même plus entre elles… Car le risque, le fameux risque, si consubstantiel à l’économie libérale, n’existe que pour le petit joueur. L’investisseur lui veut être sûr, il veut être assuré – il faut donc constamment qu’on le rassure. Il veut gagner à tous les coups, son idéal c’est la rente, la bonne vieille rente à papa, servie bien régulièrement, garantie par un état musclé. Même s’il n’est pas démocratique, ce n’est pas grave, pourvu qu’il soir musclé. La Chine, c’est parfait pour la rente.

Il s’agit de sauver la rente. Tout est là. Pour sauver la rente il faut saigner les nations, tondre le travailleur, opprimer le chinois. Nous n’avons pas le choix : c’est ça ou la disparition de la rente. Eh bien disons-le tout net : nous désirons, nous espérons et nous travaillons à la disparition de la rente. Nous disons qu’il faut augmenter les salaires, et tout spécialement en Chine, qu’il faut garantir la santé, l’éducation, les retraites de tous les hommes et de toutes les femmes, et qu’il faut lever les impôts en conséquence – impôts, qui au moment même où chacun pleure la crise ne cessent de baisser, c’est étrange, non ? Taxer les spéculateurs, les tradeurs, les investisseurs, surtout et d’abord taxer le patrimoine et tout particulièrement le patrimoine délirant des 2 % d’humains qui saignent tous les autres… Il suffirait juste que les responsables politiques cessent de partager les habitus et les intérêts des milliardaires…

Mais cette crise-là, la crise du pognon, ça n’est pas la vraie crise. C’est la crise qu’on brandit pour te faire peur, pour que t’acceptes de voir baisser ton salaire, pour que t’acceptes de payer plus pour te soigner moins, pour que t’acceptes de bosser jusqu’à la mort pour nourrir tes enfants chômeurs. La vraie crise, c’est la crise écologique. Le pétrole bon marché : c’est fini. Les métaux, les fluides, l’eau potable : terminé. La croissance indéfinie, c’est mort. Notre monde est fini, nous l’avons presque entièrement consommé. Et même, il est tout déréglé, le pauvre : Une canicule par ci, un tsunami par là, un incendie de forêt et deux ou trois inondations pour faire bon poids…

Du reste, à quelque chose malheur est bon : car nous allons devoir apprendre à vivre autrement. Comprenons-nous bien : Nous n’avons pas le choix. Et cette fois-ci, nous n’avons vraiment pas le choix.On y va, que tu le veuilles ou pas. On peut bêler que le nucléaire c’est cool, c’est économique, ça sent bon la campagne, nous n’avons pas les moyens de démanteler une seule centrale[1], encore moins de réparer Tchernobyl[2] ou Fukushima[3]. Le nucléaire, c’est trop cher. Il nous faut entrer dans une nouvelle société, une société plus frugale, plus locale. S’assurer d’abord que les besoins fondamentaux de tous sont assurés. Bientôt, il nous faudra renoncer aux kiwis de Nouvelle Zélande, aux illuminations de Noël, et peut-être même aux automobiles ! Faut s’y préparer, les gars : avec un litre d’essence à 3 ou 4 euros, c’est fini la petite virée en Golf sur le Bassin ou sur la côte ! T’iras en vélo. Ou en train, s’il existe toujours !

La vraie crise va nous apprendre à dépenser moins d’énergie et d’eau, de métaux, de plastiques, de textiles, de viandes. Si nous nous y prenons assez tôt, nous pouvons peut-être sauver la sécu, les retraites et l’école. Parce que c’est ça d’abord qu’il faut sauver, et pas la rente. C’est le chinois qu’il faut sauver, le travailleur chinois, qui n’a pas vocation à être notre esclave indéfiniment. Et qui lui aussi, à bon droit, réclame des fruits sains, la sécu, la retraite... Ceux qui disent que c’est impossible sont tous économistes ou banquiers, ils veulent juste sauver la rente, business as usual. Incapable de rien prévoir en dehors de la rentabilité à court terme, ce sont eux qui nous ont conduits là où nous sommes. C’est de cela dont ils sont responsables, c’est de cela qu’ils ont à rendre compte.


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[1] En 1985, le réacteur de Brennilis est arrêté définitivement et EDF en prépare – depuis plus de vingt-cinq ans, donc – le démantèlement. Le coût du démantèlement est évalué en 2005, à 482 millions d'euros par la Cour des comptes, soit 20 fois plus que l'estimation de la commission PEON qui est à l'origine du parc nucléaire actuel. A ce jour, la centrale de Brennilis, notamment la partie centrale qui est la plus contaminée, n’est toujours pas démantelée…

[2] Selon une communication en russe de 2007 de trois scientifiques dont Vassili Nestérenko déjà cité, les dossiers médicaux relatifs à la période 1986 à 2004 reflètent 985 000 décès causés par la catastrophe (pour la plupart en Russie, en Biélorussie et en Ukraine, mais également dans d'autres pays). En 2009 l'Académie des sciences de New York publia dans ses annales une adaptation en anglais de cette étude.


[3] Pour ceux que ça intéresse, voir
http://www.agoravox.fr/actualites/environnement/article/fukushima-le-debut-de-la-fin-105467

1 commentaire :

  1. En Chine, ils delocalisent vers la Thailande ou c'est encore moins cher.

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